Il faut comprendre les risques des effets indésirables des médicaments anti obésité pour mieux les prévenir.
Les médicaments anti-obésité ont transformé la prise en charge du surpoids sévère et de l’obésité. Au cours de la dernière décennie, les agonistes des récepteurs du GLP-1 (liraglutide, sémaglutide) puis les agents plus récents (tirzépatide) ont montré une efficacité sur la réduction du poids corporel et sur certains marqueurs métaboliques. Popularisés par des résultats rapides, spectaculaires et une bonne communication autour d’eux, ils ont suscité un fort intérêt chez les patients et les professionnels.
Cependant, toute innovation thérapeutique mérite un examen attentif de tous ses résultats positifs ou négatifs. Être conscient de la limite de leurs effets thérapeutiques et comprendre leurs effets indésirables —nature, fréquence, gravité, et surtout les moyens de les anticiper et de les limiter — est indispensable pour une décision médicale éclairée et un accompagnement centré sur le patient.
En effet, leur utilisation soulève des inquiétudes chez les professionnels quant aux effets indésirables, parfois mal connus du grand public et des patients. Cet article vise à informer les patients sur ces risques afin de faire réfléchir patients et professionnels sur une prise en charge sécurisée et éclairée.
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ToggleComprendre les grandes familles de médicaments anti-obésité
Les médicaments actuellement prescrits appartiennent à plusieurs familles pharmacologiques dont les mécanismes et les profils d’effets diffèrent.
Les agonistes du GLP-1 (liraglutide — Victoza®, Saxenda® ; sémaglutide — Ozempic®, Wegovy®, Rybelsus® ; tirzépatide — Mounjaro®, Zepbound®) agissent en imitant une incrétine intestinale : ils stimulent la sécrétion d’insuline de façon glucose-dépendante, retardent la vidange gastrique et réduisent l’appétit via des circuits hypothalamiques et centres mésolimbiques. Leur efficacité clinique est liée à ces effets centraux et périphériques, mais ceux-ci expliquent aussi leurs principaux effets indésirables (digestifs notamment).
Le trizépatide possède une activité pharmacologique supplémentaire : c’est aussi un agoniste du GIP.
Les inhibiteurs de la lipase (orlistat — Xenical®, Alli®) diminuent l’absorption intestinale des lipides en inhibant la lipase pancréatique indispensable à la digestion des amtières grasses. Ce mécanisme conduit à des symptômes digestifs spécifiques et à un risque de malabsorption de vitamines liposolubles.
Les modulateurs de l’appétit et du système nerveux central incluent la combinaison naltrexone-bupropion (Contrave®, Mysimba®), et l’association phentermine-topiramate (Qsymia®) ou la phentermine seule (Adipex-P®, Lomaira®). Leurs effets proviennent d’une modulation de la récompense alimentaire, du tonus sympathique et de neurotransmetteurs centraux ; ils exposent donc à des effets cardiovasculaires et neuropsychiatriques particuliers.
Enfin, certains traitements ciblés ou expérimentaux (setmelanotide — Imcivree® pour des obésités génétiques, CX-101 en développement) reposent sur des mécanismes spécifiques mais manquent souvent de recul sur le long terme.
Les effets indésirables des agonistes du GLP-1 : un profil digestif dominant, mais pas seulement
Les agonistes du GLP-1 constituent aujourd’hui la classe la plus prescrite pour la prise en charge pharmacologique moderne de l’obésité. Leur profil d’effets est bien caractérisé.
Sur le plan digestif, les effets indésirables concernent 30 % des cas : nausées (17 à 20 % des personnes), diarrhées (12 à 13% des personnes) ou vomissements, douleurs, gaz et ballonnements, reflux gastriques avec brûlures (RGO et gastrite), éructations et constipation (1 à 10 % des personnes) surviennent très fréquemment, surtout lors de l’instauration du traitement ou lors d’augmentations posologiques.
Ces symptômes sont habituellement transitoires, mais leur occurrence persistante explique aussi une part importante des abandons thérapeutiques. Le ralentissement de la vidange gastrique est le mécanisme principal ; il induit aussi une modification de la tolérance aux repas (saturation plus rapide) et parfois une réduction de l’apport hydrique, favorisant la déshydratation.
Des risques pancréatiques ont été signalés (pancréatite aiguë), concernant 3 personnes sur 1000. La surveillance clinique est recommandée, notamment l’apparition de douleurs abdominales persistantes, nausées inexpliquées ou vomissements.
Par ailleurs, la perte de poids rapide augmente le risque de lithiase biliaire (entre 1 personne sur 100 et 1 sur 10), et plusieurs séries cliniques rapportent une incidence plus élevée de coliques ou d’interventions biliaires après amaigrissement important.

Du point de vue cardio-métabolique, la majorité des études a montré un bénéfice net (réduction du risque cardiovasculaire pour certains GLP-1), mais des effets tels que palpitations, tachycardie ou variations tensionnelles peuvent apparaître chez des patients sensibles. L’augmentation moyenne de la fréquence cardiaque est de 1 à 6 bat/min par rapport à la valeur de départ.
La déshydratation liée aux troubles digestifs peut aussi aggraver une insuffisance rénale préexistante.
Sur le plan psychiatrique, bien que les GLP-1 ne soient pas classiquement associés à des risques majeurs d’altération de l’humeur, certains patients rapportent anxiété, modifications de l’humeur ou difficultés d’adaptation psychologique à une perte de poids rapide. Il faut donc rester attentif aux antécédents psychiatriques et proposer un suivi si nécessaire.
Une contraception est fortement recommandée (toxicité de la reproduction mise en évidence chez l’animal) : ces traitements doivent être arrêtés au moins 2 mois avant un projet de grossesse.
Des complications oculaires sont aussi à craindre : risque de neuropathie optique ischémique (NOINA) (rare, jusqu’à 1 patient sur 10 000), et risque de rétinopathie diabétique accru chez les patients diabétiques. Récemment, une étude sur une cohorte canadienne de plus d’1 million de personnes a montré que les patients diabétiques traités par un analogue du GLP-1 ont un risque doublé de développer une DMLA après 1 an de traitement.
D’autres effets ont été détectés, qui sont encore à étudier et à valider, en particulier les effets à long terme pour lesquels on manque encore de recul. En pratique, la prévention inclut une montée progressive des doses (titration), la consigne d’absorber suffisamment de liquides, l’adaptation des textures alimentaires (repas fractionnés et peu volumineux), et une information claire sur les signes d’alerte (douleur abdominale intense, fièvre, jaunisse). Un bilan initial (fonction rénale, bilan hépatique si suspect, bilan glycémique) et une surveillance clinique régulière sont recommandés.
Les inhibiteurs de la lipase : effets digestifs limitants et risque de carences
L’orlistat réduit l’absorption des graisses alimentaires d’environ 25–30 %. Les effets attendus en découlent directement : selles grasses, incontinence fécale, flatulences, évacuations urgentes. Ces signes, bien que sans danger immédiat dans la plupart des cas, entravent fortement la qualité de vie sociale et conduisent souvent à l’arrêt du traitement.

La malabsorption prolongée des lipides entraîne une diminution de l’absorption des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Il est donc conseillé de proposer une supplémentation multivitaminique adaptée et d’expliquer le bon timing (prise des vitamines en dehors de la fenêtre d’activité maximale de l’orlistat, ou au coucher). Des cas rares d’élévation des transaminases ou de complications rénales (néphropathie à oxalate) ont été décrits ; une surveillance clinique et biologique est justifiée quand persiste une symptomatologie.
Sur le plan nutritionnel, l’approche consiste à réduire la part de lipides ingérés, à éduquer sur la lecture des étiquettes alimentaires et à assurer un apport adéquat en micronutriments. L’accompagnement diététique personnalisé est déterminant pour maintenir l’observance et limiter les effets gênants.
Les modulateurs de l’appétit et stimulants : vigilance psychiatrique et cardiovasculaire
Les associations naltrexone-bupropion (Contrave/Mysimba) et phentermine-topiramate (Qsymia) possèdent des profils d’effets plus centrés sur le système nerveux central. Ils agissent sur la récompense, la satiété et le tonus sympathique, et exposent donc à des risques particuliers.
La combinaison naltrexone-bupropion entraîne souvent nausées, céphalées, insomnie et constipation. Sur le plan psychiatrique, des cas de troubles de l’humeur, d’aggravation d’états dépressifs et d’idées suicidaires ont été rapportés ; la prudence est requise chez les patients avec antécédents psychiatriques. Cette combinaison est contre-indiquée en cas d’antécédent de convulsions, puisqu’elle peut abaisser le seuil épileptogène.
Le Qsymia (phentermine-topiramate) associe un anorexigène stimulant et un antiépileptique ; il est très efficace mais s’accompagne de nervosité, insomnie, sécheresse buccale, paresthésies, troubles cognitifs et, chez la femme enceinte, d’un risque tératogène (malformations fœtales). C’est pourquoi une contraception fiable est exigée pour les patientes en âge de procréer et un test de grossesse périodique. Les stimulants (phentermine) peuvent provoquer hypertension, tachycardie, et leur usage est limité à court terme dans certains pays en raison du risque de dépendance.
La surveillance inclut la mesure régulière de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque, un bilan psychiatrique initial et une attention continue portée aux signes de dépression ou d’altération cognitive.
Nouveaux traitements et cas particuliers : Imcivree (setmelanotide) et molécules en développement
Le setmelanotide, autorisé pour des obésités rares d’origine génétique (POMC, LEPR, PCSK1, etc.), montre des effets spectaculaires chez les patients sélectionnés. Ses effets indésirables comprennent des réactions cutanées au site d’injection, des nausées et des effets sur la pigmentation cutanée. La rareté des indications impose un suivi spécialisé.
D’autres molécules en développement (CX-101 et autres) pourraient enrichir l’arsenal thérapeutique, mais leur profil de sécurité à long terme reste à établir ; prudence et recueil systématique des effets indésirables seront nécessaires en phase post-autorisation.
Tableau de synthèse des précautions
Classe / Médicament (exemples) | Effets indésirables fréquents | Effets graves (rares) | Surveillance recommandée | Contre-indications / remarques |
GLP-1 (liraglutide, sémaglutide, tirzépatide) | Nausées, vomissements, diarrhées/constipation, anorexie, satiété précoce | Pancréatite, lithiase biliaire, déshydratation sévère, réactions allergiques | Bilan initial (créat, LFT, glycémie), titration lente, surveillance clinique mensuelle initiale | Prudence si antécédent de pancréatite ; surveiller grossesse ; adapter hydratation |
Orlistat (Xenical/Alli) | Selles grasses, fuites huileuses, flatulences, diarrhées | Carence en vitamines liposolubles, rare atteinte hépatique | Supplément multivitaminique, bilan vitaminique si signes, suivi tolérance GI | Informer sur réduction des lipides alimentaires ; grossesse : données limitées |
Naltrexone-bupropion (Contrave/Mysimba) | Nausées, céphalées, insomnie, constipation | Risque convulsions, troubles psychiatriques sévères | Bilan psychiatrique, éviter en épilepsie, surveillance TA/FC | Contre-indiqué en troubles alimentaires sévères, épilepsie |
Phentermine-topiramate (Qsymia) | Insomnie, nervosité, sécheresse buccale, paresthésies | Hypertension, dépendance, tératogénicité (topiramate) | Mesure TA, contraception obligatoire, suivi neuropsychologique | Contre-indiqué en grossesse ; surveillance cognitive |
Phentermine (Adipex-P, Lomaira) | Tachycardie, nervosité, insomnie | Hypertension, arythmies, dépendance | Usage court terme (≤12 semaines), surveillance CV | Non recommandé chez HTA non contrôlée, antécédents cardiaques |
Setmelanotide (Imcivree) | Nausées, réactions cutanées, modifications pigmentation | Dépression, réactions allergiques rares | Suivi spécialisé, hépatique/cutané | Indication restreinte aux obésités génétiques |
Effets indésirables : rôle de la durée et du schéma d’administration
La durée et l’intensité posologique influencent fortement l’apparition et la persistance des effets indésirables. Les troubles digestifs des GLP-1 sont majorés lors d’une montée trop rapide en dose ; une titration lente diminue la fréquence et l’intensité des symptômes. Les risques liés aux stimulants (phentermine) sont corrélés à la durée d’exposition — d’où la recommandation d’un emploi court terme dans certaines juridictions.
La problématique des arrêts et reprises est également centrale : l’arrêt soudain d’un médicament peut être suivi d’un rebond du poids, mais aussi de manifestations de sevrage psychologique ou physiologique (anxiété, fringales intenses). La stratégie la plus sûre combine une planification de l’arrêt (si souhaité), une intensification du suivi nutritionnel et, si besoin, une substitution graduelle par des approches non pharmacologiques.

Nutrition et accompagnement : prévenir et atténuer les effets indésirables
La diététique a un rôle direct dans la prévention et la gestion des effets indésirables :
- Pour les GLP-1, recommander des prises alimentaires fractionnées, des quantités modestes, des aliments faciles à digérer et un apport hydrique régulier réduit nausées et vomissements. Adapter les textures (repas mous lors des vomissements) et conseiller des collations protéinées peut aider à la tolérance.
- Pour l’orlistat, la stratégie principale est la réduction volontaire de l’apport en graisses : limiter les aliments frits, sauces grasses, fromages riches, etc. Prescrire une supplémentation en vitamines liposolubles et surveiller l’absorption permet d’éviter des carences cliniques.
- Pour les modulateurs centraux, l’évaluation initiale de l’historique psychiatrique, l’éducation sur les effets possibles et un suivi rapproché permettent de détecter précocement troubles de l’humeur ou insomnies. La coordination entre médecin prescripteur et diététicien favorise une approche holistique.
- L’accompagnement doit inclure l’éducation thérapeutique : informer le patient sur la nature transitoire de certains effets, sur la nécessité de signaler des symptômes d’alerte (douleurs abdominales sévères, plaintes psychiatriques, signes de déshydratation) et sur les stratégies pratiques (repas, hydratation, suppléments).
La rééducation alimentaire, le renforcement des compétences en gestion du stress et l’intégration d’une activité physique régulière sont des piliers pour réduire la nécessité d’un traitement prolongé et améliorer la tolérance aux traitements quand ils sont nécessaires.
Le tableau ci-dessous résume les effets indésirables les plus fréquents par classe de médicament :
Famille | Médicaments Principaux | Digestifs (+) | Neurologiques/Cardio | Métaboliques | Autres (sociaux, cutanés) |
Agonistes GLP-1 | Saxenda, Wegovy, Ozempic, Mounjaro | Nausées, diarrhées, constipation | Tachycardie, hypoglycémies | Carences, fatigue | Idées suicidaires (rare), alopécie |
Inhibiteurs lipase | Orlistat, Xenical, Alli | Diarrhées grasses, flatulences | Céphalées, interactions | Carence vitamines | Isolement, gêne sociale |
Modulateurs appétit / SNC | Contrave, Mysimba, Qsymia, Adipex | Nausées, constipation | Insomnie, anxiété, palpitations | Dépression, idées suicidaires | Dépendance psychique, tératogènes |
Imcivree / nouveaux traitements | Imcivree, CX-101 | Nausées, céphalées | Troubles pigmentation, réactions inject | – | Modification couleur cheveux, dépression |
Conclusion
Les médicaments anti-obésité ont apporté une nouvelle dimension thérapeutique : ils offrent des pertes de poids rapides pour des patients. Néanmoins, leurs effets indésirables — digestifs, métaboliques, cardiovasculaires et psychiatriques selon la classe — imposent une information claire, une prescription prudente, une titration appropriée et un suivi rapproché. Le rôle du diététicien est central, tant pour prévenir et atténuer ces effets que pour construire des résultats durables chez le patient.
Il est à noter qu’on manque encore de recul sur les effets indésirables des agonistes du GLP-1 sur le long terme : en effet, leur utilisation dans le traitement de l’obésité est très récente, encore plus que celle comme traitement antidiabétique. Des effets indésirables rares (comme par exemple les complications oculaires du sémaglutide) ne peuvent être détectés et observés qu’à partir d’un nombre important de personnes ayant été exposées aux médicaments concernés.
En pratique, la décision thérapeutique doit reposer sur un bilan individuel rigoureux, une discussion honnête des bénéfices vs risques, et une feuille de route partagée : objectif de traitement, durée envisagée, modalités de surveillance et plan de sortie ou de transition vers des stratégies non médicamenteuses. Les médicaments peuvent être des outils puissants ; ils ne remplacent pas la nécessité d’un accompagnement nutritionnel et psychosocial pour obtenir des bénéfices durables et respectueux de la santé globale.
La méthode qui donnera le meilleur résultat sur le moyen et long terme doit donc impérativement inclure l’apprentissage d’une nouvelle alimentation et de l’activité physique adaptée, ainsi qu’un soutien psychologique pour une nouvelle gestion des émotions : utiliser ces médicaments ne doit être qu’un ultime recours, après échec de méthodes non pharmacologiques.
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