Le risque cardiovasculaire ne semble qu’un risque et pourtant…
Les maladies cardiovasculaires représentent encore aujourd’hui la première cause de mortalité dans le monde. En France, elles touchent près de 10 % de la population adulte, et leur fréquence augmente avec l’âge, le stress, la sédentarité et les déséquilibres alimentaires.
Pourtant, une large part de ces pathologies pourrait être prévenue ou stabilisée par une approche globale incluant la nutrition, l’activité physique, la gestion du stress et la qualité du sommeil.
Infarctus, AVC, artérite, insuffisance cardiaque : derrière ces termes techniques, il y a des vies bouleversées, des familles inquiètes et des patients qui, bien souvent, auraient pu être protégés.
Il faut distinguer ici les marqueurs de risque et les vrais facteurs de risque :
Les marqueurs de risque correspondent à une association observée statistiquement entre une condition et l’apparition de maladies cardiovasculaires, sans notion de cause évidente ou connue. Il s’agit plutôt d’une concomitance de maladies ou de conditions, sans lien direct de cause connu à ce jour : âge, sexe, diabète, obésité, insuffisance rénale par exemple.
Les vrais facteurs de risque correspondent, eux, à une relation de causalité (lien de cause à effet) qui a pu être montrée ou qui est suspectée par son mécanisme d’action. Ce sont de vrais éléments déclencheurs ou aggravants.
En matière de facteurs de cause de maladies cardiovasculaires, on pense souvent que tout se joue autour du cholestérol ou de la tension artérielle. En réalité, le cœur et les artères sont les témoins d’un déséquilibre global : alimentation, stress, sommeil, inflammation, microbiote, hormones…
Rien n’est isolé. C’est cette vision complète, à la fois biochimique et humaine, que je vous propose d’explorer ici.
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ToggleComprendre le risque cardiovasculaire
Un phénomène multicausal avant tout
Une maladie cardiovasculaire n’est pas seulement une question de cholestérol ou de tension artérielle.
C’est une maladie, issue de multiples déséquilibres : métaboliques, inflammatoires, hormonaux et émotionnels.
Au cœur du processus se trouve l’endothélium, la fine paroi interne des vaisseaux sanguins. Cet endothélium régule la pression, la fluidité du sang et empêche l’adhésion des plaquettes. Mais il est fragile. Lorsqu’il est agressé — par l’hypertension, le tabac, le sucre, l’excès de graisses oxydées ou le stress chronique — il perd ses propriétés protectrices, favorisant l’adhésion des lipides et des cellules immunitaires.
Peu à peu, le cholestérol et certaines cellules immunitaires s’y accumulent, formant la fameuse plaque d’athérome.

Le risque cardiovasculaire est donc la somme de tous les facteurs qui agressent cette paroi interne, accélérant son vieillissement.
Si certains semblent inévitables – l’âge (et on n’en est pas sûr), la génétique –beaucoup peuvent être corrigés directement par notre alimentation principalement, et aussi notre activité physique, notre gestion du stress ou la qualité de notre sommeil.
Et c’est sur ces leviers que la nutrition agit avec puissance et précision.
Facteurs modifiables et non modifiables
Les facteurs de risque se classent en deux grandes catégories :
- Non modifiables : âge, sexe, antécédents familiaux, terrain génétique, avoir déjà fait un AIT (accident ischémique transitoire), un AVC ou un infarctus.
- Modifiables : hypertension, diabète, alimentation, sédentarité, tabagisme, stress, inflammation, etc.
C’est sur ces derniers que la nutrition et le mode de vie ont le plus grand impact vers la guérison.
Les facteurs de risque cardiovasculaire majeurs
Facteurs biologiques
- Hypertension artérielle (HTA) : l’usure silencieuse
L’hypertension provoque des lésions chroniques de l’endothélium et accélère la rigidité artérielle. On la qualifie de tueur silencieux.
Mais l’hypertension n’est pas seulement une question de chiffres sur un tensiomètre. C’est une pression excessive et localisée sur la paroi vasculaire, qui la rend plus rigide et plus vulnérable.
L’ennemi principal ? Le sel ajouté, caché dans le pain, les plats préparés, les charcuteries.
Mais la tension monte aussi quand le potassium, le magnésium et le calcium manquent. Car ces minéraux détendent les artères.
Les excès de sel, la sédentarité, le surpoids, le stress chronique et l’inflammation chronique sont les principaux déclencheurs de cette rigidité artérielle.
En revanche, une alimentation riche en fruits, légumes a démontré son efficacité.
→ Leviers nutritionnels : réduire le sel (<5 g/j), privilégier les aliments riches en potassium, magnésium et calcium (fruits, légumes), adopter un modèle alimentaire de type DASH, méditerranéen ou mieux, anti-inflammatoire.
- Dyslipidémie : le désordre du transport des graisses
Toutes les graisses circulantes ne sont pas nocives.
Les LDL, souvent désignés comme “mauvais cholestérol”, transportent les graisses du foie vers les cellules. En excès, ils s’infiltrent dans les artères, et perturbent leur fonctionnement.
Les HDL, au contraire, font le chemin inverse et nettoient les excès. Un taux bas de HDL est un facteur de risque à part entière.
La qualité du régime joue un rôle clé :
- Trop d’acides gras saturés (viandes grasses, fromages, pâtisseries) augmente les LDL ;
- Trop peu d’antioxydants favorise l’oxydation des LDL.
- Trop peu de fibres ou d’oméga-3 réduit les HDL.
Un régime riche en huile d’olive, poissons gras, fibres solubles (avoine, orge, pommes) et antioxydants permet une amélioration significative du profil lipidique.
→ Leviers : réduire les graisses saturées, privilégier les huiles d’olive, de colza, les noix et les poissons gras, augmenter les fibres solubles, les fruits et les légumes.
- Diabète de type 2 et insulinorésistance
L’hyperglycémie chronique accélère la glycation des protéines, entretient le stress oxydatif et endommage les artères. Les vaisseaux deviennent moins souples, la paroi s’abîme et les graisses s’y fixent plus facilement. Ce mécanisme, silencieux, est déjà à l’œuvre bien avant le diabète.
→ Leviers : diminuer les sucres, favoriser un index glycémique bas, répartir les glucides dans la journée, augmenter les fibres et les protéines.
- Surpoids et obésité abdominale
La graisse viscérale n’est pas qu’un stockage d’énergie. C’est un organe sécréteur de molécules inflammatoires (cytokines, TNF-alpha, interleukines). Elles entretiennent une inflammation de bas grade et perturbent la sensibilité à l’insuline. Un cercle vicieux se met en place : plus on stocke, plus l’inflammation augmente, et plus on stocke. Heureusement, même une perte de 5 à 10 % du poids suffit à réduire les triglycérides et à améliorer la tension et la glycémie.
→ Leviers : réduire le déséquilibre des repas, consommer des aliments bruts riches en fibres et protéines, limiter les produits transformés et sucrés.
- Syndrome métabolique
Il associe obésité abdominale, hyperglycémie, hypertriglycéridémie, faible HDL et hypertension.
→ Leviers : alimentation méditerranéenne ou mieux anti-inflammatoire, contrôle du fructose, apports en oméga-3, fibres, polyphénols.
Facteurs comportementaux
- Tabagisme
Chaque bouffée libère des milliers de radicaux libres qui attaquent l’endothélium. Le sang s’épaissit, les plaquettes s’activent, la tension monte. Chez un fumeur, les artères vieillissent de 10 à 15 ans plus vite.
La bonne nouvelle ? Le bénéfice de l’arrêt est quasi immédiat : en quelques mois, la fonction vasculaire s’améliore, et en 5 ans, le risque d’infarctus est presque normalisé.
→ Leviers : renforcer les apports en antioxydants (vitamines C, E, caroténoïdes, polyphénols), consommer fruits rouges, légumes verts, thé vert, curcuma.

- Sédentarité
Le cœur est un muscle, et comme tout muscle, il s’entretient. Bouger, c’est aussi faire travailler l’insuline, activer la circulation, stimuler le HDL. La simple marche rapide, 30 minutes par jour, réduit le risque cardiovasculaire de près de 40 %. Et l’alimentation accompagne ce mouvement : une assiette colorée, riche en végétaux et oméga-3, soutient la récupération et la régulation métabolique.
→ Leviers : intégrer une activité physique régulière, consommer suffisamment de protéines et de micronutriments (vitamine D, magnésium, fer).

- Alimentation déséquilibrée
Excès de sucres raffinés, graisses saturées, sel, et produits ultra-transformés.
Carences en fibres, oméga-3, potassium, antioxydants.
→ Leviers : rééquilibrage alimentaire global, retour à une alimentation naturelle et végétalisée.

- Alcool
À faible dose, il peut être neutre ou légèrement protecteur (vin rouge, polyphénols).
En excès, il provoque hypertension, cardiomyopathie et arythmies.

Facteurs psychosociaux
- Stress chronique
Le stress active le système sympathique. Il ne se voit pas au stéthoscope, mais il use tout autant que le tabac. Le cortisol, sécrété en continu, provoque une tension permanente et perturbe les mécanismes de l’inflammation. On observe souvent une élévation du glucose, de la tension et du cholestérol chez les personnes stressées.
→ Leviers : magnésium, vitamines B1, B6, B9, méditation, limitation du café, du sucre et de l’alcool.
- Isolement social
La solitude augmente les marqueurs inflammatoires et diminue l’observance thérapeutique.
→ Leviers : restauration du lien social, activités collectives, accompagnement interdisciplinaire.
- Troubles du sommeil
Le manque de sommeil perturbe les hormones métaboliques (insuline, leptine, ghréline, adiponectine), favorisant la faim et la tension
→ Leviers : dîner léger, limiter l’alcool, le café et les repas tardifs, favoriser magnésium, zinc et vitamines du groupe B.
Marqueurs non modifiables
- Âge : le risque augmente après 50 ans chez l’homme, 60 ans chez la femme.
- Sexe : la protection œstrogénique féminine disparaît après la ménopause.
- Antécédents familiaux précoces : infarctus ou AVC avant 55 ans (homme) ou 65 ans (femme).
- Génétique : certaines hypercholestérolémies familiales ou polymorphismes métaboliques.
Les marqueurs/facteurs émergents ou secondaires
Inflammation chronique et stress oxydatif
Leur association forme un terrain propice à l’athérosclérose. Un marqueur comme la CRP ultrasensible ou le malondialdéhyde traduisent cette activité inflammatoire.
→ Leviers : alimentation anti-inflammatoire riche en oméga-3, antioxydants, gingembre, fruits et légumes colorés.
Homocystéinémie élevée
Un excès d’homocystéine favorise la rigidité artérielle et la thrombose.
→ Leviers : vitamines B6, B9, B12 (céréales complètes, légumineuses, légumes verts, œufs, poissons).
Dysbiose intestinale
La flore intestinale joue un rôle majeur dans le métabolisme lipidique. Une dysbiose favorise la production d’oxyde de triméthylamine TMAO, molécule associée à l’athérogénèse.
→ Leviers : fibres prébiotiques (inuline, pectines), probiotiques (kéfir, choucroute, yaourts), réduction de la viande rouge et des œufs en excès.
Facteurs hormonaux
- Ménopause : la chute des œstrogènes augmente le LDL et diminue le HDL.
→ Phytoestrogènes (soja fermenté, lin, pois chiche), contrôle pondéral, modération du sel. - Hypothyroïdie : élève le LDL et ralentit le métabolisme.
→ Iode, sélénium, zinc, réduction du gluten en cas de Hashimoto. - SOPK : associé à l’insulinorésistance et à la dyslipidémie.
→ Alimentation à faible index glycémique et riche en fibres.
Facteurs environnementaux et iatrogènes
- Pollution atmosphérique, perturbateurs endocriniens (bisphénols, phtalates) : favorisent l’inflammation vasculaire.
- Certains médicaments (corticoïdes, antipsychotiques, traitements hormonaux) peuvent perturber la tension ou les lipides.
→ Leviers : antioxydants, alimentation biologique, cuisson douce, réduction des plastiques alimentaires.
Autres marqueurs/facteurs
D’autres marqueurs de risque de maladies ou troubles cardiovasculaires ont été identifiés plus récemment : par exemple être sujet aux crises de goutte, être atteint d’une polyarthrite rhumatoïde, d’un lupus érythémateux disséminé, d’une maladie de Crohn ou de psoriasis.
Ou encore le fait de sauter le petit-déjeuner, de dîner tard, de pratiquer le jeûne intermittent sur un temps trop restreint ou de consommer des boissons sucrées et des édulcorants.
Les marqueurs lipidiques avancés : mieux comprendre le cholestérol
Le rapport LDL/HDL
Ce ratio reflète la balance entre dépôt lipidique et épuration.
- < 3 : risque faible
- > 4 : risque élevé
→ La stratégie nutritionnelle vise à réduire les LDL (graisses saturées, sucres raffinés) et à améliorer les HDL (activité physique, oméga-3, polyphénols).
ApoA1 et ApoA2
- ApoA1, principale protéine du HDL, stimule la LCAT et favorise l’élimination du cholestérol.
Taux élevé = effet protecteur.
- ApoA2, plus ambivalente, stabilise le HDL mais peut parfois réduire son efficacité.
→ Le rapport ApoB/ApoA1 (< 0,7 = faible risque) est un marqueur puissant du risque cardiovasculaire global.
Triglycérides
Avoir un taux de triglycérides trop élevé est maintenant reconnu comme un facteur de risque indépendant.
→ Réduction des sucres simples, de l’alcool, augmentation des fibres et des poissons gras.
Lp(a) et LDL oxydés
- Lipoprotéine(a) : facteur génétique très athérogène, favorisant la thrombose.
→ Réduction du stress oxydatif (polyphénols, oméga-3).
- LDL oxydés : les plus dangereux, car captés par les macrophages pour former la plaque d’athérome.
Les LDL oxydées sont les principaux responsables des dommages créés dans les parois vasculaires. Des auto anticorps anti-LDL oxydées peuvent aussi être détectés.
→ Antioxydants, cuisson douce, réduction du fer libre et du tabac. Les polyphénols (thé vert, cacao, fruits rouges), les oméga-3 et les vitamines antioxydantes limitent leur production.
Taille des LDL
Les petites LDL denses sont plus nocives que les grosses LDL flottantes. Elles pénètrent plus facilement la paroi artérielle et s’oxydent rapidement. Elles sont typiques des régimes riches en sucres et pauvres en fibres.
→ Réduction des sucres, augmentation des oméga-3, fibres solubles et activité physique.
ApoB
Chaque particule LDL, VLDL, IDL ou Lp(a) contient une seule ApoB. Le dosage d’ApoB reflète donc le nombre total de particules athérogènes, plus fiable que le simple taux de LDL.
→ Une ApoB basse traduit une réduction réelle du risque cardiovasculaire, même si le cholestérol total paraît normal.
→ Leviers : régime méditerranéen, contrôle glucidique, perte pondérale, fibres.
La nutrition au centre du soin
La prévention cardiovasculaire, ce n’est pas “manger moins gras”, c’est manger mieux : rétablir les équilibres métaboliques, hormonaux et inflammatoires. La clé n’est pas la privation, mais la cohérence.
La prévention cardiovasculaire passe par trois axes majeurs :
- Réduction de l’inflammation
- Diminuer les produits ultra-transformés, les sucres raffinés et les graisses trans.
- Consommer des oméga-3, des épices anti-inflammatoires, des fruits et légumes colorés.
- Adopter une alimentation anti-inflammatoire, c’est surtout apprendre à avoir une vision globale des repas et les construire pour les transformer en médicament anti-inflammatoire au quotidien.
- Optimisation métabolique
- Maintenir un poids stable et limiter les variations glycémiques
- Préserver la sensibilité à l’insuline.
- Répartition équilibrée des glucides et des protéines dans la journée.
- Protection endothéliale
- Apports suffisants en magnésium, potassium, antioxydants.
- Réduction du sel et de la tension artérielle.
Le modèle méditerranéen est un exemple de cette approche intégrative : il combine plaisir, diversité, équilibre et efficacité clinique prouvée. Il est une référence validée scientifiquement : riche en végétaux, huile d’olive, poisson, légumineuses, modéré en produits animaux et pauvre en sucres rapides.
Ce modèle agit simultanément sur :
- La baisse du LDL et de l’ApoB,
- La réduction de la CRP et des marqueurs inflammatoires,
- L’amélioration de la sensibilité à l’insuline,
- La protection de la fonction endothéliale.
Synthèse clinique et pratique
| Objectif | Approches nutritionnelles clés |
| Diminuer LDL / ApoB | Réduction des graisses saturées et trans, augmentation des fibres solubles, perte de poids, maîtrise glucidique. |
| Améliorer HDL / ApoA1 | Activité physique, oméga-3, polyphénols, modération alcoolique. |
| Réduire oxLDL / inflammation | Antioxydants (vitamines C, E, polyphénols), huiles non raffinées, alimentation anti-inflammatoire. |
| Limiter petites LDL | Diminution des sucres rapides, index glycémique bas, apports suffisants en oméga-3. |
| Réduire triglycérides | Réduction des sucres simples, de l’alcool, augmentation des fibres et des poissons gras. |
Conclusion sur le risque cardiovasculaire
Une maladie cardiovasculaire n’est pas une fatalité. Elle résulte d’un déséquilibre global, souvent silencieux pendant des années, mais sur lequel la nutrition exerce un effet majeur et mesurable. Agir sur l’assiette, c’est agir sur la tension, les lipides, l’inflammation, le microbiote, les hormones et le stress oxydatif.
- Pour les patients, comprendre ces mécanismes permet de passer d’une peur et d’une position passive (“j’ai du cholestérol”) à une attitude active (“je nourris ma santé”).
- Pour les soignants, intégrer la nutrition, c’est enrichir la prise en charge, agir à la racine du problème, et booster les résultats.
La prévention cardiovasculaire efficace repose sur la synergie entre disciplines : médecin, diététicien, kinésithérapeute, infirmier, psychologue. C’est dans cette approche globale et humaine que se joue la véritable révolution de la santé cardiovasculaire.
Car prendre soin de son cœur, c’est avant tout reprendre soin de soi.
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